> Éditorial  Jean Garrigues
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        Quatre ans de plus avec George W. Bush ! Pour l’opinion publique française, dans son immense majorité, la réélection de ce « fils à papa » gaffeur, réactionnaire, fanatique et belliciste apparaît comme une aberration. Et pourtant, il a bel et bien été plébiscité en novembre 2004 par l’Amérique profonde, abreuvée de l’Evangile selon Coca-Cola, du drapeau étoilé et de Fox News.

Sur l’influence du 11 septembre et de la guerre en Irak, sur la montée de l’intégrisme religieux dans la société américaine, les journalistes et les commentateurs de tous bords ont glosé à longueur de colonnes et de débats télévisés. Les intellectuels en vue, toujours les mêmes, ont prétendu nous expliquer cette victoire incontestable, et qui pourtant a déçu une bonne partie de la planète.

Avec le recul de la réflexion, il nous a paru judicieux de demander à des spécialistes quelle était leur vision de la politique menée par les Etats-Unis, et plus largement, du système politique américain. Fidèles à l’esprit de notre revue, nous avons sollicité à la fois des observateurs issus du monde politique, américain ou français, et des scientifiques, historiens, politologues, experts des médias et de la civilisation américaine.

        Premier interviewé dans notre « Forum », Joseph Smallhoover, ancien représentant du parti démocrate en France, nous livre une réflexion originale et passionnante qui englobe l’identité démocrate, le bipartisme, le système politique américain et sa comparaison avec le système français. François Loncle, député de l’Eure et vice-président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, nous raconte son expérience des relations franco-américaines et du modèle américain. Noël Mamère, député de Bègles, reconnaît les vertus du système politique américain mais s’inquiète de son impérialisme. Enfin, Thierry de Montbrial, membre de l’Institut, directeur général de l’Institut français des relations internationales, replace l’élection dans le temps long de la politique étrangère des Etats-Unis, qui nous permet de retrouver une continuité historique entre l’idéal wilsonien de 1917 et « l’hyper-puissance » d’aujourd’hui.

Dans la partie « Recherches », l’historien Jacques Portes nous rappelle le poids des traditions conservatrices dans le Sud des Etats-Unis, dont la famille Bush a fait l’un de ses bastions. Divina Frau-Meigs nous raconte comment les groupes de pression et de réflexion ont manipulé la presse en faveur du candidat républicain. Vincent Michelot nous explique que le Sénat, pourtant en majorité républicaine, peut constituer un pôle de résistance à la « présidence impériale » de George W. Bush. Guillaume Marrel et Renaud Payre s’intéressent au mouvement pour la limitation de la durée des mandats, qui pourrait paradoxalement menacer la démocratie américaine. Last but not least, Anne Deysine nous livre un tableau lucide des vertus mais aussi des carences de cette démocratie, qui prétend guider le monde.

Enfin, la partie « Magazine » donne la parole à Alexis de Tocqueville et à Aristide Briand, qui se sont l’un et l’autre confrontés au modèle américain. Du milieu du XIXème siècle jusqu’à nos jours, les urnes de l’Oncle Sam n’ont cessé de nous intriguer, de nous inspirer ou de nous révulser, à l’instar de cette Amérique au double visage, parfois si séduisante et parfois si irritante. En cette année 2005, qui commémore le bicentenaire de la naissance de Tocqueville, le mystère de la démocratie en Amérique reste encore à découvrir.