> Éditorial  Jean Garrigues
  retour au sommaire

Ce numéro de Parlement(s) est exceptionnel car le dossier principal nous est proposé par une équipe de huit politistes, juristes et historiens du droit. Coordonné par Marc Milet, Maître de conférences à l’Université Paris II, ce dossier est issu d’un colloque organisé en mai 2006 au Sénat, avec la collaboration du Comité d’histoire parlementaire et politique et grâce au soutien d'Hugues Portelli et de son équipe. C’est une nouvelle manifestation de notre volonté d’instituer un dialogue interdisciplinaire constant dans le champ de l’histoire politique, et notamment dans celui de l’histoire parlementaire, à nos yeux trop émiettée.

Constatons d’ailleurs que la dimension historique est omniprésente dans ce dossier consacré aux rapports entre les juristes et la loi. C’est ainsi que Yann-Arzel Durelle-Marc (Besançon) nous présente le parcours politique du juriste Jean-Denis Lanjuinais, qui fut parlementaire presque sans interruption de 1789 à sa mort en 1827, tandis que Vincent Le Grand (Caen) analyse l’importance de la formation juridique dans la carrière parlementaire de Léon Blum. Dans la continuité de sa thèse sur « le Droit de la République », Guillaume Sacriste (Paris I) remet en cause les idées reçues sur le « parlementarisme absolu » de la Troisième République. Revenant à un passé plus récent, Marc Milet (Paris II) alimente notre réflexion sur la relativité de l’actualité en nous rappelant la force de la mobilisation des juristes contre la loi Perben II en 2004. Marie-Laure Basilien-Gainches (Paris III) nous montre à quel point le « jurislateur » communautaire se substitue au législateur national. Rachel Vanneuville (CNRS-Lille 2) met en lumière la vigilance des juges face à l’inflation normative. Eric Szij (Conseiller à l’Assemblée Nationale) nous plonge au cœur du processus législatif en soulignant sa dimension juridique. Enfin, Antoine Vauchez (Institut Universitaire Européen) évoque la figure d’un grand juriste, le doyen Jean Carbonnier, qui fut collaborateur d’une dizaine de gardes des sceaux dans les années 1960-1970, mais aussi un observateur critique de la vie parlementaire sous la Cinquième République.

Les trois articles « Varia » qui complètent ce numéro auraient pu s’intégrer au colloque de 2006. Ils reflètent la pluridisciplinarité de notre démarche, puisqu’ils rassemblent un historien du droit, un historien et un juriste. Le premier, Pierre Allorant (Orléans), nous raconte la carrière du jurisconsulte Paul Jozon, opposant au Second Empire devenu député de la Gauche républicaine. Les deux autres s’intéressent à un autre juriste célèbre de la Troisième République, le député et ministre Léon Bourgeois. Alexandre Niess (Orléans) étudie son action au service du pacifisme, qui l’a conduit au prix Nobel de la Paix en 1920. Olivier Amiel (Perpignan) met quant à lui l’accent sur les fondements juridiques de sa doctrine solidariste.

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur la « république des avocats. » Ce numéro spécial de Parlement(s), nourri par la diversité des disciplines et des approches, nous apparaît comme une contribution originale et stimulante à ce vaste champ d’études.

Jean Garrigues,
professeur à l’université d’Orléans,
président du CHPP